J'étais chez mes parents quand la nouvelle du confinement a éclaté. Enthousiasmé à l'idée de ce que je considérais comme des vacances prolongées, j'ai griffonné un mot sur la table de la cuisine : « Les universités sont fermées, on restera peut-être quelques jours de plus. » J'étais tellement énergique que je n'ai pas terminé ma phrase ; le mot se terminait par « on pourrait rester un peu… ». La joie a été de courte durée.
Le soir du Nouvel An 2020, Valentin Goppel a commencé à photographier ses amis et connaissances pour tenter de comprendre et de représenter la désorientation ressentie pendant la pandémie de Covid-19. En photographiant ses amis, il a trouvé un moyen de surmonter l'incertitude. Il n'a pas eu de mal à expliquer les images qu'il recherchait : ils étaient tous au cœur de la même situation et se sentaient connectés dans un état d'incertitude.
Le titre du livre, « Zwischen den Jahren », décrit la période entre Noël et le Nouvel An, la période entre les années. Il s'agit d'une métaphore de la transition entre l'enfance et l'âge adulte, ainsi que du sentiment de temps suspendu, voire de paralysie, entre l'avant-pandémie de Covid et un avenir incertain.
J'ai essayé de trouver des moyens d'exprimer les sentiments diffus liés au fait de grandir à l'ère du coronavirus. Ne pas savoir où se situer quand tout s'écroule autour de soi peut être naturel pendant cette période de la vie où l'on n'est plus un enfant, mais pas encore un adulte. La pandémie a agi comme un catalyseur de ma désorientation, mettant en lumière les conflits internes, jusque-là bien contenus par un environnement propice et des distractions suffisantes. Ils ont finalement pris leur envol et ont occupé l'espace qu'ils avaient toujours réclamé en silence.
Les photographies du livre mêlent moments observés et mis en scène, et souvenirs recréés. Les jeunes qu'elles représentent sont souvent illuminés par la lumière d'un téléphone ou d'un ordinateur portable, photographiés en petits groupes ou seuls dans des cuisines, des chambres, des rues urbaines ou au cœur d'une nature préservée face à la Covid-19. Lorsque des familles sont représentées, souvent à la table de la salle à manger, les images reflètent le silence et la tension partagés entre les générations. À mesure que le livre progresse, le sentiment d'isolement s'accroît ; même les personnes en groupe apparaissent souvent seules, contemplatives. On ne trouve qu'une seule scène de foule dans le livre, incongrue et contrastant avec l'isolement devenu la norme.
Avant la pandémie, un adolescent allemand sur dix présentait des symptômes de dépression. À la fin du premier confinement, c'était un sur quatre. Nombre de mes amis ont eu du mal à renouer avec leur vie sociale après le confinement, et je n'ai pas fait exception. Je dois encore retourner à l'université. Le message que j'ai écrit à mes parents au début de la pandémie a été conservé dans un cadre, comme une trace du temps. Pendant des mois, il est resté dans un carton de déménagement, dans mon nouvel appartement partagé.
Il m'a fallu un certain temps pour déballer.
