On reconnaît immédiatement, tant dans le cadrage que dans la palette, la démarche de ce Suédois, forgée par une pratique de la couleur et un point de vue radical, d'abord expérimentés dans son pays d'origine. Issu de la tradition de la presse et du reportage en noir et blanc pour les journaux, il posait un regard critique sur son pays et ses contemporains, et en nous faisant rire, la bande dessinée Landet utom sig Ed Journal, 1993, devenait déprimante. Le monde de la consommation et des loisirs, placé dans la perspective dévastatrice d'une rare capacité à déceler l'absurdité des situations et des comportements, se traduisait par une explosion de couleurs qui ajoutait à l'ironie mordante de l'ensemble. Un univers de piètre qualité, vu avec un œil critique et sans malice, nous ramenait à toutes les moqueries. Cette approche, affinée au fil des ans, avait tiré les leçons des grands coloristes américains qui, dans les années 1970, avaient établi que la couleur, en photographie, n'était pas seulement une possibilité technique parmi d'autres, plus efficace pour restituer la « vérité » du réel, mais bien un sujet de la photographie et qu'elle devait être composée avec elle, dans tous les sens du terme. Lars Tunbjörk s'inscrit très clairement dans la logique de cette révolution coloriste outre-Atlantique. Arrivé plus tard, il poursuit le processus en confrontant la couleur de la manière la plus directe possible, et il est européen.
 Extrait du texte de Christian Caujolle
 Ce livre fait suite à une résidence de création de Lars Tunbjörk à Beauvais, dans le cadre de Photaumnales.